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Pourquoi les sondeurs ont une nouvelle fois peiné à mesurer le vote pour Donald Trump

Que se passe-t-il dans la tête des électeurs américains lorsque le nom de Donald Trump est sur le bulletin de vote ? C’est la question que se posent les sondeurs depuis huit ans et la première victoire du milliardaire, que les enquêtes d’opinion n’avaient pas su anticiper en 2016. Au lendemain de la seconde élection de Donald Trump à la Maison Blanche, la question se pose à nouveau, tant les résultats du républicain dépassent le niveau des intentions de vote que les sondages lui prêtaient jusqu’à la veille du scrutin.
Au niveau national, la moyenne des sondages calculée par les différents médias (le New York Times, FiveThirtyEight, The Silver Bulletin) donnait une avance d’environ un point de pourcentage à Kamala Harris. Mais les résultats provisoires, mercredi 6 novembre, montrent que c’est en réalité Donald Trump qui a remporté le vote populaire, avec une marge confortable d’environ 5 millions de voix, soit un écart de 4 à 4,5 points de pourcentage. C’est bien supérieur à la moyenne des écarts nationaux depuis 1988 (2,3 points) et similaire à l’écart observé en 2020, lorsque les médias avaient surestimé de 4 points le vote populaire en faveur de Joe Biden.
Au niveau des Etats pivots, la moyenne des sondages de 2024 a sous-estimé le vote Trump dans une partie d’entre eux et à des degrés variables. La Pennsylvanie, où Kamala Harris a longtemps affiché une mince avance d’environ 1 point, a finalement vu triompher Donald Trump par une marge de 3 points. Le Nevada affiche un écart similaire, puisque le candidat républicain y maintient, à l’heure où sont écrites ces lignes, une avance de 4 points sur sa rivale démocrate, tandis que les sondages compilés par les médias donnaient une égalité entre les deux candidats.
Les données ci-dessous sont fondées sur les résultats provisoires du mercredi 6 novembre à 18 h 30.
Dans une moindre mesure, les deux autres Etats pivots du Midwest, le Wisconsin et le Michigan, affichent un écart substantiel de 2 à 3 points entre la majorité des sondages, qui donnaient une avance à Harris, et les résultats provisoires, qui donnent Trump gagnant avec plusieurs centaines de milliers de voix d’avance. Mais ces cas de figure sont observés fréquemment : depuis 2000, les sondages dans les Etats indécis « manquent » généralement le résultat des élections de 3,1 points en moyenne. Il était donc relativement attendu par les spécialistes que 2024 ne déroge pas à cette règle et que les sondages sous-estiment l’un ou l’autre des candidats avec le même ordre de grandeur. A cet égard, les écarts constatés dans les Etats pivots du Sud que sont la Caroline du Nord, la Géorgie et l’Arizona (1-2 points) peuvent donc être considérés comme particulièrement faibles.
Il n’empêche que les différences observées vont toutes dans le sens d’une sous-estimation, de légère à modérée, du vote pour Donald J. Trump. Ce qui n’est pas une première.
C’est la troisième fois d’affilée que les sondeurs échouent à prendre la mesure correcte des intentions de vote en faveur de M. Trump. En 2016 et en 2020, les enquêtes d’opinion avaient souffert du même défaut dans tous les Etats décisifs (à l’exception du Nevada en 2016).
En 2020, pour mieux représenter les électeurs du candidat républicain, les sondeurs avaient pris en compte le degré de diplôme des sondés, une variable qui n’était pas « prédictive » des votes républicains ou démocrates avant 2016. Ils espéraient ainsi mieux représenter les électeurs non diplômés, qui avaient voté massivement pour Trump quatre ans plus tôt. En vain, puisque les écarts étaient encore plus importants qu’en 2016, sans grande conséquence sur l’opinion publique puisque Joe Biden, qui était favori, a tout de même gagné l’élection.
Il reste que les sondeurs ne savent toujours pas avec certitude pourquoi leurs enquêtes ont peiné à anticiper correctement le vote Trump en 2020 et en 2016. D’autant que lors des élections de mi-mandat en 2018 et en 2022, les sondages ont été relativement précis.
La principale hypothèse des spécialistes est que les électeurs de Donald Trump auraient une propension moindre à répondre aux sondages lorsqu’ils sont sollicités, ce qu’on appelle le biais de non-réponse. Les instituts peinent à sonder les électeurs les moins engagés politiquement, ceux qui ne votent que peu et irrégulièrement. Or, les données montrent que cet électorat peu politisé soutient très majoritairement le candidat républicain, surtout lors des scrutins présidentiels, puisqu’il ne vote quasiment pas aux élections de mi-mandat, qui mobilisent typiquement les Américains les plus politisés.
Et de fait, les données des sondages montrent que le biais de non-réponse existe bel et bien. En 2020, le New York Times avait mesuré un écart de 20 % entre le taux de réponse des électeurs enregistrés démocrates et celui des électeurs républicains. Quatre ans plus tard, les sondages du quotidien new-yorkais ont mesuré un différentiel équivalent (16 %) parmi l’électorat blanc, ce qui faisait dire à l’analyste politique en chef du Times, la veille de l’élection, que « les sondages pourraient sous-estimer M. Trump une nouvelle fois ».
Les changements de méthode opérés par les sondeurs cette année pour améliorer la précision des enquêtes d’opinion ont tout de même probablement permis de limiter l’ampleur de cette sous-estimation, puisque celle-ci reste plus limitée en 2024 (2,75 points en moyenne) qu’en 2020 (4,1 points) et en 2016 (3,6 points).
Gary Dagorn
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